En 2022, SteeLover, fort de son nouvel opus Stainless, a été une des sensations de notre deuxième GARF lors de la journée inaugurale du vendredi. Les hard rockers liégeois ont été unanimes : il s’agissait bien de leur meilleur concert depuis leur reformation. Le public les a plébiscité et puis après quelques apparitions toujours remarquées, un concert en Pologne en juin dernier a sonné comme un révélateur. C’est bien dans ce grand pays de l’Est où SteeLover est le plus populaire ! Il avait quand même écoulé 80.000 exemplaires de son Glove Me (album de 1984) dans le pays de la Mazurka. Ceci expliquant cela. L’actualité du dynamique SteeLover est précisément la réédition CD (avec deux bonus tracks) de ce pétillant Glove Me. L’occasion était donc belle de leur demander de venir l’interpréter sur la scène du GARF. N’oublions pas le concert légendaire de SteeLover sur ces mêmes planches du Centre Culturel de Chênée en décembre 1984 : ce soir-là, nos valeureux métallos avaient été en état de grâce marquant l’histoire du rock liégeois et du hard rock wallon pour toujours.

Michel Leclercq fut un grand guitariste ! Trop méconnu. Au caractère bien trempé. A la sensibilité exacerbée. Sa connaissance de la musique était abyssale. Son goût ? très sûr… En sus de ce panel de qualités, Michel était un professeur pédagogue et passionné. Des dizaines de guitaristes liégeois lui doivent énormément.

Au-delà du panégyrique, des groupes ou plutôt un : Danger. Formé au tournant 70/80’s, cette académie du «hard» liégeois pouvait rivaliser avec bien des groupes de l’époque. L’éducation britannique et le son US furent les caractéristiques de cet unique LP bien mieux troussé que ceux d’ Irish Coffee, de Jenghiz Khan ou de Kleptomania. Grand fan de Wes Montgomery, Peter Green, Jeff Beck, Eddie Van Halen et plus tard fervent adepte de Robben Ford, Michel a vogué vers des horizons plus jazz et plus blues avec toujours une appétence particulière pour le son californien.

After The Waiting a été son dernier groupe et son ultime album. Il devait se produire à notre GARF 2020. La crise Covid en a voulu autrement avant que notre Michel ne parte sans trop prévenir tutoyer les étoiles… Ses amis lui rendront un hommage vibrant et mérité. Autour de Julian, son fils. Sa fierté.

Héro de Woodstock, Ten Years After voit son nom briller à l’infini depuis une belle soirée d’août 1969. Avant ce coup de Trafalgar, le quartet se forme dix ans après le déboulement du rock’n’roll (d’où leur blaze !). Nos Ten Years After ont un crédo au départ : rester dans la belle pureté du rock’n’roll et baigner dans le feeling général du british blues (qui fait vite boom !).

C’est au Marquee de Londres et au Festival National de blues et de jazz de Windsor que le guitariste Alvin Lee montre virtuosité et ostentation. Egal des Clapton, Beck, Green ou autre Page, Lee est ce guitar hero (sur son éternel Gibson 335) adulé pour sa technicité et sa rapidité. Ten Years After est plus leste et swing que beaucoup. Plus psyché et mystérieux aussi. Il n’a pas grand-chose à envier à Cream et à cette bande de sales gamins qui a pour nom Led Zeppelin.

Avec «I’m Going Home», TYA dispose d’un hymne fédérateur qui le conduit dans la boue du mythique Festival. Les années 70 sont un peu vache avec le groupe et son héro de guitariste même si le mauvais coucheur de Nottingham ne desserre jamais l’étreinte.

Après un concert légendaire au Boogie Town Festival de Louvain-la-Neuve en mai 1999 où l’on voit une dernière fois le line-up originel (Alvin Lee, Chick Churchill, Leo Lyons, Ric Lee) Ten Years After se réinvente (Alvin Lee disparaît en 2013) avec un line-up stable depuis 2014 : Ric Lee et Chick Churchill croisent le fer avec le bassiste Colin Hodgkinson (Alexis Korner, Chris Rea, Whitesnake, Jon Lord, Jan Hammer, The Spencer Davis Group…) et avec le guitariste italo/londonien Marcus Bonfanti (Ginger Baker, Eric Burdon et une carrière solo remarquable). Ce fou de Rory Gallagher, BB King et Stevie Ray Vaughan n’a peur de rien et surtout pas des fantômes.

Ten Years After revient au Centre Culturel de Chênée après un concert de feu en 2009. Les légendes ne sont-elles pas éternelles ?

La Suède et le hard rock mélodique : une grande histoire d’amour ! Biberonnés aux mélodies altières d’ABBA, les Europe, Rising Force, Silver Mountain, 220 Volt et autres, Treat se déterminent et combattent la tendance speed/thrash qui s’inscrit trop vite comme la tendance dominante.

Formé à Stockholm en 1983 sous une bannière improbable, Treat paraît le plus doué de cordée, surtout après «Scratch and Bite» (été 85) et «The Pleasure Principle» (fin 85), ses deux premiers opus, qui catapultent les frais godelureaux dans le cénacle des hauts dignitaires du hard FM/AOR. Seulement, Europe connaît un bonheur hors norme avec son «Final Countdown» et Treat ne peut que passer sous les fourches caudines malgré de petits hits internationaux au fil du temps qui ont pour noms «Get You On The Run», «World Of Promises» ou «Ready For The Taking».

Treat se défend bec et ongles contre l’infortune avec un support sur la dernière tournée de Queen (1986) et avec des prestations remarquées aux Monsters of rock 1988 à Bochum et à Schweinfurt avec Iron Maiden, Kiss et David Lee Roth. Le groupe se disperse dans les tristes années grunge. Il renaît littéralement de ses cendres en 2006 (une signature chez Universal et une présence au Sweden Rock) avant de signer «Coup de Grace» en 2010, peut-être bien le chef-d’œuvre ultime du genre.

Le chanteur Robert Ernlund et le guitariste Anders Wikström nous ont promis d’être en tenue de gala à l’occasion de leurs 40 bougies. Pour un nouveau coup de grâce ?

1968. Free a le blues-rock dans le sang et le hard rock séminal dans la peau. Paul Rodgers est déjà une sorte de chanteur ultime. La section rythmique (Kirke-Fraser) challenge celle de Cream, quant à Paul Kossoff, le guitar player, il se bat à fleurets mouchetés avec les Beck, Page, Clapton et surtout Peter Green. L’immense guitariste du Mac.

Après un Free relifté en Bad Co, Paul Kossoff préfère voguer en solo mais revient surtout en 1975 avec Back Street Crawler et trouve les bons compléments avec notamment Terry Slesser, un frontman à faire dresser les poils.

Hélas, cette affaire ne tourne jamais rond malgré deux albums de blues rock haut de gamme : The Band plays On et 2nd Street, le plus abouti, produit par le grand Glyn Johns (Led Zep, les Stones, Eagles, Clapton…). Alors qu’une tournée se goupillait pour BSC en avril 1976 avec AC/DC en support, le Koss tombe mort (victime de ses addictions) dans un vol Los Angeles-New York. Fin de l’histoire !

Maintenant, quelle surprise de revoir ce BSC avec Terry Slesser en 2023. Un nouvel album (Rome In A Day) et les meilleurs ouvriers qualifiés du rock anglais : John Buckton (guitare-la réincarnation du Koss !), Rhino Edwards (basse-Status Quo, Dexys Midnight Runners) Clive Edwards (batterie-UFO, Pat Travers, Wild Horses) et Mark Taylor (Clavier-Simple Minds, The Alarm, Elton John) devraient convaincre les plus sceptiques. «Nous sommes plus âgés maintenant mais le feu brûle toujours en nous comme à l’époque, la grande époque» déroule Terry Slesser, le sourire carnassier et le couteau entre les dents.

Cela promet…

Rudy Lenners, ex-batteur de Scorpions et de SteeLover, Jean-Pierre Froidebise, guitariste blues émérite, Alain Pire, guitariste/chanteur – spécialiste du psyché anglais, et Jean-Pierre Cocco, chanteur/bassiste au feeling latin, forment Such A Noise en 1989.

Vieux briscard du rock liégeois, ce quatuor carbure au super sur toutes les scènes de Wallonie avec un blues / rock de feu parfaitement maîtrisé et d’une précision chirurgicale.

Deux albums (1992 et 1994) sont bien côtés dans la presse (et relayé par Radio 21, ancêtre de Classic 21) mais SAN adore le turbin et c’est sur les planches qu’il montre sa quintessence et sa grande science d’une musique qui n’en finit plus de renaître dans des époques de moins en moins propices.

Such A Noise a tourné avec Uli Jon Roth pour un hommage au grand Hendrix en 1991 et a même assuré la première partie de Deep Purple à Forest National en 1993.

Le quatuor d’or n’existe plus depuis pas mal d’années mais comme la majorité de ses protagonistes a déjà joué au GARF, ils ont décidé de nous offrir un ultime concert en mode Madeleine de Proust. Qu’on se le dise…

Geordie n’était pas destiné à voir la lumière ni à s’extirper du ruisseau. Et pourtant Geordie est connu et prisé par les die hard fans d’AC/DC.

C’est en 1980 que le plus grand nombre découvre ce groupe âpre et festif de Newcastle, ville phare du pays noir anglais. Geordie est d’ailleurs le gentilé de Newcastle et Brian Johnson, le chanteur, est le remplaçant officiel du grand Bon Scott au sein de l’institution AC/DC. C’est depuis cette année que l’on sait que Geordie est un band dans la mouvance glam de Sweet et Slade (ils ont ouvert pour les deux !) qui ne se contente pas d’être un party band du meilleur effet mais aussi un band au son seventies bien en place.

Si Geordie a tourné (pour quelques dates) en 2021 avec Brian Johnson (toujours aussi good guy !), la reformation post covid semble être bien plus fondée et porteuse. Tom Hill et Brian Gibson (la section rythmique des seventies) sont soutenus par le chanteur de Back Street Crawler Terry Slesser.

Pour la petite histoire, Slesser était en compétition avec Brian Johnson et Gary Holton (Heavy Metal Kids) pour le remplacement de Bon Scott. Quand tout est dans tout…

Ce groupe de Visé (périphérie de Liège à quelques encablures des Pays-Bas) s’est formé au mitan des années 80 et a eu directement le post-punk dans la peau.

Un mini-album 5 titres a accru leur petite notoriété, principalement en Wallonie. Ainsi se sont profilées les premières parties de groupes tels que les Fuzzbox, And Also The Trees, Minimal Compact ou Cassandra Complex. Après un split en 1989, le band du leader Jean-Paul Devox (impliqué dans de multiples projets) se reforme brièvement en 2005 pour une quinzaine de gigs.

Le retour en cette année 2023 semble bien plus sérieux. En outre de sa prestation au GARF, Vox Populi prépare un nouvel opus qui alliera le neuf et le vintage.

Prétendre qu’Arthur Brown est au centre de tout n’est pas exagéré. Le rock psyché, le hard rock séminal, le rock théâtral (une influence pour Alice Cooper), le rock frappé et contestataire et d’autres joyeusetés, Arthur en fait son quotidien et son affaire à partir de 1967 dans les bonnes effluves d’un London swinguant et bouillonnant. 1968 est son année.

L’heure de son album signature («The Crazy World Of Arthur Brown») avec Vincent Crane (futur Atomic Rooster), Carl Palmer (futur ELP) ainsi que Kit Lambert et Pete Townshend des Who en embuscade. Arthur Brown pond surtout le single Fire, une obsédante ritournelle, qui donnera des idées au hard-rockers et deviendra une référence psyché. Ce titre phare du shouter anglais du nord de l’Angleterre est N°1 dans les charts britanniques et N°2 aux USA. Après une vie de bâton de chaise dans les communautés de Notting Hill (quartier hippie du centre de Londres) et des concerts remarqués au mythique UFO Club sur Tottenham Court Road, Brown sort du brouhaha et du vedettariat malgré Kingdom Come (un band qui ne trouve pas son public) et le rôle de prêtre dans «Tommy» des Who.

Arthur, l’homme au casque de feu, renaît de ses cendres au changement de millénaire. Vingt bons printemps plus tard, le toujours très vert Arthur Brown nous sert un Long Long Road particulièrement bluesy, juste psyché mais fort en gueule, vicieux à souhait. Un album vintage qui a l’outrecuidance de conduire bourré sans vergogne aucune : «le désir de toujours créer de nouvelles approches et de fraîches pièces musicales a toujours été ma vision. C’est plus fort que jamais» lâche laconiquement ce dégingandé fou-fou hyper focus.

Ceux qui ont toujours apprécié les rockers hors-norme et hallucinés (Screaming Lord Sutch, Screamin’ Jay Hawkins, Alice Cooper…) seront servis et se régaleront ainsi d’un Arthur Brown légendaire et très rare dans nos contrées. Notre 3ème GARF ne pouvait mieux se clôturer qu’avec ces touches de folie et de musicalité.

Le rock français ? C’est comme le vin anglais, cela existe… Le bon John Lennon n’a pas vécu assez longtemps pour entendre le groupe frenchies qui aurait pu contredire son trait d’esprit. Oui, Satan Jokers a été différent : plus original, plus brillant que bien d’autres et surtout très jalousé (le privilège des meilleurs !).

Son histoire commence à la fin des seventies avec Renaud Hantson, un prix d’excellence de batterie dingo du grand Phil Collins et grand admirateur de Michel Berger. Son Satan Jokers prend corps en 1981 puis, après une première partie de Trust en 82 au Rose Bonbon où les jouvenceaux tuent le père, c’est le début d’une série de malentendus et de rapports délétères avec tout le monde. Pourtant «Les fils du métal» (83) et «Trop fou pour toi» (84) sont au-dessus du lot avec un hard franc, syncopé et technique.

Satan Jokers serait-il un compromis entre Magma et Judas Priest ? Le troisième opus -un mini album six titres- est peut-être bien son Prix de Rome. C’est son pic d’inspiration et une œuvre d’une richesse inestimable.

Considéré comme le Glenn Hughes français (un instrumentiste à la voix en or massif), Renaud Hantson lâche progressivement son Satan Jokers pour Starmania (entre 1988 et 1990 dans le rôle de Ziggy) et pour une carrière solo pop/rock qui ne rencontre pas davantage son public.

En lutte perpétuelle contre ses démons, Renaud Hantson continue son petit bonhomme de chemin (école de musique Furious Zoo…) puis il n’a pas pu résister à un dernier show de Satan Jokers (groupe à l’arrêt depuis plusieurs années) à notre Golden Age, réputé pour son attrait des groupes disparus ou inédits. Trop fou pour toi ?